Les voix de la Providence
Il pleuvait sur Nice, ce soir-là. Une petite pluie finie qui glaçait les os et qui annonçait l’hiver.
On est monté jusqu’au théâtre de la Providence, et là on a rencontré le printemps. Le printemps de deux voix – deux voix qui avaient la fraîcheur et la vigueur des fleurs nouvelles. Deux voix de soprano : Charlotte Bonnet et Elisabetta Zizzo.
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Un air que la chanta la première donna la tonalité de toute la soirée – l’air du Cours la Reine de « Manon » : « Profitons bien de la jeunesse/ Des jours qu’amène le printemps… »
Toute la soirée se déroula dans cet esprit
Ces deux sopranos étaient boursières du Cercle Richard-Wagner-Rive-Droite de Nice (président Yves Courmes). On le sait depuis plusieurs années, le CRWRD ne se trompe pas lorsqu’il sélectionne ses boursiers. On en eut là une nouvelle preuve.
Charlotte Bonnet a une voix toute en rondeur, égale d’un bout à l’autre de la tessiture, musicale et puissante. Charlotte fait corps avec son chant au point de donner l’impression d’être portée par lui.
Elisabetta Zizzo a une voix brillante, claironnante. Les metteurs en scène sauront trouver en elle une interprète de caractère. Elle « incarne » son chant jusqu’à avoir les larmes aux yeux.
La voix de Charlotte fut un bijou dans l’air du même nom de « Faust ».
Elisabetta fit caracoler ses vocalises dans la sicilienne des « Vêpres » de Verdi.
Elle alla au bout de son émotion dans « Tu, tu ? Piccolo iddio » de « Butterfly ». Qu’ils fussent des « Contes d’Hoffman » (la barcarolle) ou de « West Side Story », leurs duos furent pleins de grâce.
Au piano se trouvait Bruno Membrey.
Nous aimons ce chef d’orchestre qui connaît son métier jusqu’au bout des doigts. Il est d’une souplesse exemplaire lorsqu’il accompagne les chanteurs, ce qui lui permet d’exceller dans l’opérette comme dans le classique. Les chanteurs se sentent en sécurité avec lui. Là, il se mit au piano. Vous en connaissez vous, beaucoup de chefs qui se mettent au piano pour accompagner des chanteurs en public? Bruno Membrey le fait. C’est un musicien complet. Il fait honneur au métier.
Il pleuvait encore lorsque, dans la nuit, on est sorti du concert. On avait dans la tête l’ « O sole mio » que nos sopranos avaient fait briller en bis. Elles avaient été nos voix de la Providence.
André PEYREGNE
Photos Chantal Amary Berni et Guy Maurin
