FESTIVAL D’ETE DE MUNICH 2023 SEMELE de HAENDEL, un ravissement musical et scénique !!!

©M.Rittershaus

 

SEMELE , opéra de Haendel créé sous forme d’oratorio anglais à une époque où les opéras italiens étaient passés de mode, ne connut pas de grand succès du vivant de Haendel.
Dans cette nouvelle production, la mise en scène de Clause Guth a offert aux spectateurs du Prinzregententheater de Munich, une soirée enchanteresse, avec une distribution de très haut niveau, dominée par un quatuor éblouissant avec Brenda Rae, Michael Spyres, Jakub Jozef Orlinski et Emily d’Angelo.
Pour la petite histoire : Sémélé, maîtresse humaine de Jupiter est victime de son orgueil, dont Junon se sert habilement pour sa vengeance…
Claus Guth déploie dans sa mise en scène un spectacle grandiose, intelligent de 3h30 durant lequel on ne s’ennuie jamais et dont on se souviendra longtemps. Amenée sans bousculer le livret, sa mise en scène met en avant la complexité du rôle de Sémélé, tantôt lucide, tantôt excessive, proche de la folie dont le désir est d’échapper à une société « guindée et étriquée », bien illustré dans la scène où Sémélé s’évade de sa robe de mariée rigide et également lorsqu’elle détruit à coups de hache le mur de la salle de cérémonie. L’humour est cependant omniprésent mais côtoie également la gravité de situation de Sémélé qui sombre lentement à sa perte.
Une des scènes les plus drôles fait apparaître Jupiter, « idéal masculin » rêvé par Sémélé, dans un amusant numéro de cabaret exécuté superbement par Michael Spyres. Claus Guth continue dans la drôlerie en faisant apparaître Athamas interprété par l’excellent Jakub Jozef Orlinski, qui se livre à un splendide numéro de « break dance », défi que seul Orlinski, champion dans ce domaine, peut relever.

 

 

©M.Rittershaus

 

 

Malheureusement Sémélé, victime du piège tendu par Junon et Ino, se referme sur elle-même et sombre dans le fantasme et l’hallucination. Au finale, c’est sa sœur Ino qui gagne. Isolée, Sémélé met au monde un enfant, Dyonisos, dieu de l’ivresse et fils de la folie, alors que des plumes noires, celle de Jupiter se mettent à pleuvoir sur les nouveaux mariés Ino et Athamas. La malédiction est enclenchée.
Le spectateur est subjugué par cette mise en scène tellement intelligente et divertissante dans une direction d’acteur minutieuse : mouvements des chanteurs, des choristes et des figurants. C’est également une réussite esthétique : décors somptueux de Michel Levine, costumes chatoyants de Gesine Völlm, les lumières de Michael Bauer et la chorégraphie judicieuse de Ramses Sigl.
Une distribution de haut niveau complète la qualité technique et exceptionnelle du spectacle.
Brenda Rae, actrice convaincante et solide, incarne Sémélé avec un investissement dramatique intense. Cependant, elle doit composer avec des airs très difficiles, surtout dans le premier acte où son medium est terne et ses vocales un peu rêches, sa virtuosité limitée. Mais, elle fait preuve d’une grande finesse, d’une attention particulière aux nuances, avec une coloration bien claire, une luminosité ample et plus intense à des moments bien choisis.
La superbe Emily d’Angelo est plus que séduisante dans le rôle de Junon, avec un physique de garçonne, bien mis en valeur par Claus Guth et rappelant l’actrice des années 20, Louise Brooks, avec son porte-cigare et son dos nu plongeant….. Elle possède en plus une voix grave, avec des noirceurs parfois rocailleuses.
Grand triomphateur de la soirée, Michael Spyres, qui dès sa première apparition irradie toute la scène campe un Jupiter extraordinaire. Il a cette façon hors du commun de passer avec une grande facilité du registre barytonnant à la légèreté du ténor, avec son immense tessiture. Son timbre est magnifique, homogène et d’une souplesse expressive. Un bariténor, effectivement, tel qu’il se définit  !!!! »

 

 

©M.Rittershaus

 

 

Autre triomphateur de la soirée, Jakub Jozef Orlinski, très à l’aise dans ces rôles à la tessiture centrale sollicitant que peu sa virtuosité, mais flattant la puissance peu commune de sa voix. Il incarne un Athamas vivant et notable, même si le livret ne le gâte pas trop. Bien sûr, son numéro de break dance fait toujours son effet.
Dans ce monde farfelu des Dieux antiques, Nadezhda Karyazina fait merveille dans le rôle d’Ino, avec sa voix profonde et son jeu de scène admirable. Quant à Jessica Niles, elle apporte fraîcheur et présence bondissante. Ses aigus sont superbes avec une petite touche d’acidité. Elle est impayable en Iris, quelque peu surexcitée.
Philippe Sly est excellent dans le double rôle de Cadmus et Somnus.
Les chœurs sont très performants et jouissent d’une excellence technique vocale et scénique. Quant au brillant orchestre du Bayerische Staatsoper, il sonne de façon précise et très efficace sous la baguette alerte du chef Gianluca Capuano. Il est vrai que cet Orchestre joue régulièrement Haendel, et il est donc tout à fait naturel, qu’il fasse merveille ce soir.
La richesse de la mise en scène de Claus Guth, la superbe exécution des solistes, choristes, danseurs et musiciens ont offert au public une soirée enthousiasmante, éblouissante et enchanteresse.

Marie-Thérèse Werling

 

A retrouver sur France-Musique : https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/le-concert-du-soir/semele-de-haendel-au-festival-d-opera-de-munich-2023-5084843

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