FESTIVAL SIBELIUS – PALAIS SIBELIUS / LAHTI (FINLANDE)

Prisé pour sa qualité, le 24e festival international Sibelius a convié en septembre 2023, à Lahti, les amateurs de la musique du grand maître finlandais auxquels a été offert un festival inoubliable de musique sibélienne interprétée par l’orchestre symphonique Sinfonia Lahti dans l’enceinte du Palais Sibelius, renommée pour la qualité de son acoustique.
La direction artistique du festival était confiée au chef d’orchestre principal de l’orchestre Sinfonia Lahti, Dalia Stasevska.

©Maarit Kytöharju

  FESTIVAL SIBELIUS / ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE LAHTI / SIBELIUS HALL   
7  Septembre 2023

©Maarit Kytöharju

Le Festival Sibelius, placé sous la direction artistique de la cheffe d’orchestre Dalia Stasevska, fait briller chaque année l’acoustique boisée et chaleureuse du Sibeliustalo, le Palais Sibelius, au bord du lac de Lahti, dont les rives peuplées de sapins et de bouleaux forment un splendide écrin à la musique du Maître d’Ainola, toujours aussi peu jouée en France. Rien ne remplace donc un voyage en Finlande, surtout pour entendre cette merveilleuse musique interprétée avec foi et conviction par un orchestre tout entier dévoué à la cause du plus célèbre compositeur national. Le chef Osmo Vänskä avait réussi à hisser l’orchestre symphonique de Lahti au rang des toutes premières phalanges finlandaises et l’enregistrement des symphonies et poèmes symphoniques chez l’excellent label Bis fait encore partie des plus recommandables intégrales qui soient.
     Cette année, le Festival a choisi de mettre l’accent sur les voyages de Sibelius. Dalia Stasevska s’est forgée une très bonne réputation philologique : elle aime proposer des reconstitutions de partitions ou de programmes originels tels qu’ils étaient joués du temps du compositeur. L’ouverture de l’édition 2023 est ainsi placée sous le signe des Etats-Unis, puisqu’il est la réplique du concert du 4 juin 1914, donné dans la salle « The Shed » du Norfolk Music Festival, Connecticut, à 200 kilomètres environ de New York, que Sibelius dirigeait, sur un podium décoré aux couleurs nationales américaine et finlandaise. A l’époque, l’orchestre, que le compositeur avait qualifié de « merveilleux, surpassant tout ce que nous avons en Europe », était formé de musiciens issus de trois des meilleurs orchestres américains : le New York Philharmonic, le Metropolitan Opera Orchestra et le Boston Symphony Orchestra. Ce fut le plus grand triomphe de Sibelius : tous les spectateurs présents avaient pu témoigner qu’il s’agissait de l’événement musical de leur vie, une ovation inégalée, un enthousiasme délirant. Au cours de cette tournée, où Sibelius fut reçu comme un prince, il obtint un doctorat honorifique de l’Université de Yale. Ce fut le seul passage du compositeur aux Etats-Unis, et ce moment de bonheur indicible fut rapidement balayé par le début de la tragique Première Guerre Mondiale. C’est dire l’émotion particulière que peut représenter un tel concert en ce jour de septembre 2023, presque 110 ans jour pour jour après son exécution, quand la cheffe d’origine ukrainienne interprète l’hymne officieux Finlandia, résonnant comme un cri de résistance face à l’oppression russe…
La soirée commence par le poème symphonique La Fille de Pohjola, op. 49, encore marqué par l’inspiration de l’épopée finlandaise du Kalevala, où nous retrouvons le personnage central, Väinämöinen, qui rencontre la belle fille du Nord (Pohjola) alors qu’il traverse un paysage sombre, assis sur un traîneau. Väinämöinen souhaite la convaincre de le rejoindre, mais elle lui impose des conditions impossibles, comme attacher un œuf avec des nœuds invisibles et construire un bateau à partir de fragments de sa quenouille. Väinämöinen, usant de sa connaissance de la magie, tente d’accomplir ces tâches, réussissant la plupart d’entre elles, mais échouant lors de la construction du bateau. Dans sa tentative, il se blesse avec une hache. Finalement, il renonce aux travaux et décide de poursuivre son voyage en solitaire. L’excellent violoncelliste Ilkka Pälli s’illustre dès le début de cette page avec une magie profonde et méditative, suivi par des harpes oniriques. Mention spéciale aux contrebasses, puissamment telluriques, qui contribuent à donner une profondeur envoûtante à cette partition magnifique. Dalia Stasevska a un vrai sens du récit, elle fait alterner les moments intimistes avec les envolées épiques, dans une direction pleine de sève et de vigueur. On songe parfois à Holst, quand on se surprend aussi à entendre quelques passages tristaniens.

©Maarit Kytöharju

La suite de la musique de scène King Christian II, op. 27, préfigurant la Première Symphonie, apparaît comme plus élégiaque et d’une inspiration nettement plus classique, avec un Nocturne faisant la part belle aux silences, de jolis moments dans l’Élégie (belles clarinettes), tandis que la Ballade, acmé de l’œuvre, donne à entendre une espèce de marche triomphante, dans l’esprit des Légendes de Lemminkäinen, aux passages très slaves, où passe plusieurs fois l’ombre de Tchaïkovski. Moment très martial, rapide, c’est le bouquet final de l’œuvre, qui s’achève dans une belle fanfare.
     La pièce suivante, l’une des plus célèbres compositions de Sibelius, Le Cygne de Tuonela, op. 22, n°2, est une des sections des Légendes de Lemminkäinen, inspirée du chant XIV de l’épopée du Kalevala. Dans cette œuvre mélancolique, « Tuonela » désigne le royaume des Morts de la mythologie finlandaise, un lieu entouré d’un fleuve sombre où nage un cygne. Le cor anglais joue un rôle central dans cette pièce, symbole de cet animal funèbre, et crée une atmosphère mélancolique, évoquant les thèmes de la mort et de la transition vers l’au-delà. Son motif lancinant, aux allures d’air du pâtre tristanien, est hypnotique. Les contrebasses confirment leur excellente tenue, avec une belle et inquiétante profondeur, quand le registre aigu des violons se situe clairement dans la filiation de Lohengrin. La poésie qui émerge de ce morceau montre un orchestre plus assuré, respirant, proposant de beaux moments éthérés.

©Maarit Kytöharju

      La seconde partie du concert confirme l’impression d’un orchestre plus à son aise et engagé, notamment dans Finlandia, op. 26, joué avec force, conviction et brillant, dans un tempo très enlevé, héroïque, et sauvage, qui donne tout son intérêt à cette œuvre très patriotique. La Valse triste op. 44, sans conteste la page la plus célèbre de Sibelius, est jouée avec velouté, ampleur, et sens des nuances : la cheffe donne un certain charme à ce morceau, dans une interprétation habitée et effervescente.

     Arrive alors sans aucun doute, et les applaudissements le confirment, le point culminant de ce programme : l’interprétation des Océanides op. 73, poème symphonique fascinant, à l’écriture beaucoup plus élaborée et audacieuse. Puisque le présent concert reconstitue la fameuse soirée de création de l’œuvre, rappelons la genèse elle-même tempétueuse de la page : en avril 1914, Sibelius avait envoyé la partition de sa composition aux États-Unis, qu’il avait intitulée « Rondeau der Wellen » (cette version intermédiaire du poème symphonique est couramment appelée la version « Yale »). Bien qu’il eût déjà envoyé le manuscrit à Norfolk, Sibelius n’était pas totalement satisfait de la partition et avait immédiatement entrepris une révision complète, et même une refonte totale. Il avait exprimé son enthousiasme pour ce projet, déclarant : « N’est-ce pas typique de moi de retravailler le poème symphonique – en ce moment, je suis en feu pour cela ». En général, Sibelius révisait ses compositions soit lors de leur préparation pour la publication, soit après leur interprétation en concert. Dans le cas de la version Yale, l’invitation à assister en personne au festival de musique avait peut-être incité Sibelius à réévaluer le poème symphonique de manière critique. Les différences entre la version initiale et la version finale du poème symphonique sont significatives. Sibelius avait non seulement transposé la pièce en ré majeur, mais avait également ajouté un climax spectaculaire. Néanmoins, l’orchestration resta essentiellement la même, avec l’ajout d’une seule trompette. À l’approche du voyage en Amérique, Sibelius avait travaillé fébrilement pour achever les révisions. Aino, la femme du compositeur, décrit la scène à Ainola pendant cette période :

     « Le voyage en Amérique approche. Rondeau der Wellen n’est pas encore terminé. Il y a une terrible précipitation… la partition n’est qu’à moitié prête. Le copiste, M. Kauppi, reste avec nous et écrit jour et nuit… C’est seulement grâce à l’énergie de Jean [Sibelius] que nous progressons… Nous avons allumé une lampe dans la salle à manger, un lustre dans le salon, c’était un moment festif. Je n’ai osé dire un mot. J’ai simplement vérifié que tout était en ordre. Ensuite, je suis allée me coucher et Jean est resté debout. Toute la nuit, j’ai pu entendre ses pas, alternant avec de la musique jouée doucement. »

     Sibelius continua à apporter des modifications à la version finale du poème symphonique alors qu’il naviguait sur l’océan Atlantique à bord du paquebot SS Kaiser Wilhelm II et même pendant les répétitions à Norfolk. Cependant, ces modifications de dernière minute, furent relativement mineures, car les parties orchestrales avaient été copiées avant son départ de Finlande. Sibelius était ravi de la nouvelle pièce et écrivit à Aino : « C’est comme si je me retrouvais, et bien plus encore. La Quatrième Symphonie était le début. Mais dans cette pièce, il y a tellement plus. Il y a des passages qui me rendent fou. Une telle poésie ».
     On ne peut que donner raison au compositeur : l’Orchestre de Lahti a su transmettre la fièvre iodée de cette page qui va au-delà de l’impressionnisme que d’aucuns ont pu y déceler. Le titre originel en finnois, Aallottaret, littéralement ”Nymphes des Vagues” ou ”Esprits des Vagues”, équivalent musical de la toile éponyme de l’ami de Sibelius Akseli Gallen-Kallela, est programmatique : flûtes et harpes miroitent, dans un bruissement sensuel suggérant la danse des nymphes de la mythologie grecque. Ça gronde, bruisse, avec ce procédé typiquement sibélien d’auto-engendrement des cellules musicales, proliférant, de manière organique, dans une vision très pointilliste de la mer, une musique traversée par des courants, des tourbillons s’engendrant les uns les autres, que Dalia Stasevska mime avec des gestes expressifs et un véritable engagement physique, un flux continu qui anticipe les audaces du mouvement unique de la Septième Symphonie, laissant monter une tension jusqu’au maelström paroxystique, une shakespearienne tempête, où l’on se prend à entendre une sorte de fusion entre Wagner et Debussy. Le critique Olin Downes avait parlé de « l’évocation la plus fine de la mer jamais produite en musique. » Les Océanides, ainsi interprétées avec la hargne nécessaire et le sens de la progression dramatique, apparaissent bel et bien comme une sorte d’anticipation maritime de l’ultime opus, Tapiola. Les cordes, disciplinées, sont d’une tenue exemplaire.

     Avec les moyens de l’Orchestre de Lahti, composé d’un grand nombre de jeunes musiciens prometteurs et engagés, et l’enthousiasme rafraîchissant de la cheffe d’orchestre, nous avons ainsi pu nous replonger un peu dans l’ambiance de l’un des concerts les plus fabuleux de la carrière de Sibelius.

Philippe Rosset
7 septembre 2023

FESTIVAL SIBELIUS / ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE LA RADIO SUEDOISE / SIBELIUS HALL 
8 septembre 2023

©Maarit Kytöharju

    La deuxième journée du Festival Sibelius de Lahti permet d’entendre une reconstitution du concert dirigé le 24 mars 1924 par le compositeur lui-même, à Stockholm, d’où la présence, pour cet événement, de l’un des meilleurs orchestres nordiques (qui fut, ne l’oublions pas, celui de Celibidache, Blomstedt ou encore Salonen !) : l’Orchestre symphonique de la radio suédoise, dirigé par Daniel Harding. Ce concert de 1924 eut une importance certaine dans la carrière de Sibelius car ce fut la première exécution de la Symphonie n°7, op. 105, (alors encore intitulée Fantasia sinfonica), la seule symphonie de Sibelius à n’avoir pas été jouée en premier sur le sol finlandais.

Une Symphonie n°7 sereine et mystique : la quête du Graal finlandais
Ce qui frappe de prime abord, c’est la légèreté du trait, le côté très chambriste de l’orchestre, un tempo assez modéré, qui laisse le temps à l’orchestre de déployer ses charmes. Parfois, on se croirait dans la Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis de Vaughan Williams, qui admirait tant Sibelius (et c’était réciproque) : une douce sonorité, faite de recueillement et de transcendance raffinée. Daniel Harding, par son geste ample, choisit d’insister sur les continuités et les fluidités du langage sibélien, dans une approche pastorale et lumineuse, plutôt que sur les rugosités minérales révélées par certains chefs finlandais, tels Vänskä ou Berglund. Le chef anglais polit, sculpte des phrases sonores remplies de beauté, offrant un propos moins idiomatique peut-être, mais plus immédiatement aimable et accessible, notamment dans le traitement des flûtes et plus généralement des vents, primesautiers et doux.
Les chefs britanniques ont une véritable affinité avec la musique de Sibelius, qu’ils ont toujours très bien servie (songeons à Sir Thomas Beecham ou à Sir Colin Davis, sans même parler de Sir John Barbirolli, ces deux derniers chefs ayant laissé de belles intégrales au disque, très hautement recommandées). Daniel Harding ne fait pas exception à la règle. Dans cette symphonie très particulière, en un seul mouvement, arrive malgré tout un spectaculaire climax, soigneusement préparé, grâce à une tension bien dosée et une attention accordée aux détails fourmillants qui annoncent Tapiola. Au sujet de cette œuvre, Serge Koussevitzky avait parlé de « Parsifal finlandais » : le point culminant de l’œuvre (trilles de trombones rugissants) semble annoncer l’apparition de quelque objet magique ; ce n’est peut-être pas le Graal auquel songeait Sibelius, mais bien plutôt au Sampo, qui, dans la mythologie finlandaise était un artefact magique, un moulin capable de créer de l’or, de l’argent et du grain à partir de rien, enfreignant de nombreuses lois de la physique.
N’est-ce pas le miracle de cette Septième symphonie, qui, du silence, à la contemplation, sculpte des moments de grâce (solides bassons, hautbois impeccables et très engagés), jusqu’à la manifestation de l’objet magique, dans le registre suraigu des violons, avant l’apaisement des dernières mesures, laissant la place à la simple évocation de « l’azur, l’azur, l’azur », pour reprendre les mots de Mallarmé, du lac de Lahti qui miroite sous les derniers rayons du soleil de septembre ?

©Maarit Kytöharju

Le Concerto pour violon épique et fougueux de l’incandescente María Dueñas

     Le Concerto pour violon op. 47 est un des plus grands concertos du répertoire, l’un des plus virtuoses, assurément, et les grands violonistes s’y sont forcément illustrés, de Heifetz à Hilary Hahn.
Daniel Harding et son orchestre partent d’un pianissimo incroyable des cordes, d’où s’élève, frêle et discret, le vibrato du violon de María Dueñas, jeune violoniste espagnole prodige. Très vite, c’est la hargne qui prend le dessus, dans une alliance parfaite de poésie et de spectaculaire, dans ce mouvement encore imprégné de l’esprit kalévalien, si décisif dans l’œuvre du premier Sibelius. Douée d’une intelligence déjà exceptionnelle, d’une ductilité et d’une technique époustouflantes, avec des prises de risques, María Dueñas entame un dialogue fougueux avec l’orchestre : sa manière de maîtriser les nuances (des pianissimi à se pâmer !), sa concentration, son intuition, tout démontre que nous sommes au-delà d’une performance technique virtuose froide : il y a de l’âme, de la fougue, de la générosité, de la passion dans le jeu de cette jeune violoniste. L’orchestre se montre de plus en plus vif, avec des cuivres impressionnants, un refus du legato, mais aussi de beaux miroitements de temps suspendu qui font penser à l’Enchantement du Vendredi Saint du Parsifal de Wagner. L’excellence de l’ensemble suscite des applaudissements spontanés à la fin de cet Allegro moderato à couper le souffle, dont l’auditeur ressort les larmes aux yeux et des frissons. Quelle merveille !
L’Adagio di molto permet d’apprécier des cordes dans l’ensemble toujours aussi impeccables en toile de fond, excellant dans les pianissimi, soutenant un chant qui rappelle le lancinant « kantele », instrument hypnotique, sorte de cithare à cordes pincées, traditionnel en Finlande. María Dueñas a du caractère, des nuances infinies, des possibilités techniques et émotionnelles hors normes, aidées par un orchestre très à l’aise dans cette musique. Aurait-on ici la Martha Argerich du violon ?
Arrive l’ultime mouvement, Allegro, ma non tanto, cavalcade finale, avec des aigus divins, des clarinettes très soignées, des cuivres racés, des flûtes admirables qui soutiennent le jeu d’une violoniste maîtrisant toutes les difficultés techniques – redoutables – de ce morceau de bravoure. On retient son souffle jusqu’à la fin, triomphale.
En bis, María Dueñas propose une courte pièce virtuose, l’Applemania du compositeur russo-autrichien contemporain Aleksey Igudesman, une sorte de florilège des plus grandes difficultés du violon. Tonnerre d’applaudissements.

©Maarit Kytöharju

Une Première symphonie romantique et hivernale

     Fascinant programme que celui que conçut Sibelius pour son concert de Stockholm : partant de la Symphonie n°7, il choisit de remonter aux sources de son langage pour terminer par la Première symphonie op. 39, plus classique dans sa structure, mais déjà inouïe dans son style. Le très beau solo de clarinette de l’incipit, à la sonorité sinueuse et élégante, bien posée, laisse la place à un discours aussi lissé et poli, mais doté cette fois-ci d’un sens de la narration, absent de la Symphonie n°7, plus abstraite et construite d’un seul tenant. Nous avons affaire à un bel orchestre, indéniablement, aux sonorités pleines et riches, des trombones puissants. Harding trouve le bon équilibre entre épopée et intimisme. Parfois, l’oreille se surprend, dans les moments cuivrés, à entendre Bruckner, qu’admirait tant Sibelius, à moins que nous ne nous égarions parfois dans les « murmures de la forêt », bien que Sibelius ne portât point dans son cœur l’auteur de Siegfried. Dans le dialogue entre la harpe et la clarinette passent déjà quelques échos du futur poème symphonique Le Barde, déployant le même sens de la répétition incantatoire.
L’Andante, en dépit d’une attaque peu précise des cors, permet d’apprécier encore plus l’excellente tenue des trombones et du tuba, tandis que les flûtes virevoltantes rappellent la Symphonie n°1 « Rêve d’hiver » de Tchaïkovski, les mêmes flocons qui tombent, ouatés, mélancoliques, sur le sol gelé. Harding se montre attentif aux brusques syncopes de ce mouvement et creuse les contrastes, alternant lyrisme, violence. Le Scherzo, exécuté un peu trop vite parfois, au détriment de la rigueur rythmique, est mené tambour battant, avec des bassons remarquables, et toujours une discrète présence brucknérienne. Le Finale (Quasi una fantasia) est interprété de manière plus attendue comme la suite de la Pathétique, sans perdre de vue l’intention narrative. Dans des tempi parfois un peu expérimentaux, Harding fait bien ressortir les dettes de Sibelius à l’égard de ses illustres devanciers, sans oublier de montrer l’affirmation d’une nouvelle voie originale en musique, notamment les lignes de fracture annonciatrices de la Quatrième symphonie. L’interprétation s’achève dans un lyrisme appuyé, des timbales incantatoires et une belle tenue des cordes, incontestable réussite de cette soirée suédoise.
Telles les deux extrémités de l’arc-en-ciel, les deux symphonies de Sibelius et le Concerto pour violon, ont indiscutablement charmé l’auditoire, avec un très bel orchestre, aux sonorités majestueuses, une jeune violoniste prodige et un très bon chef attentif aux héritages musicaux de Sibelius ; on aimerait l’entendre davantage dans cette musique : tout cela confirme l’excellente tenue du Festival Sibelius de Lahti.

Philippe Rosset
8 septembre 2023

crédit photos ©Maarit Kytöharju

Pour consulter les articles en anglais :
http://www.resonances-lyriques.org/fr/chronique-detail/chroniques-musique/1481-festival-sibelius-lahti-symphony-orchestra-sibelius-hall-sibelius.cfm
http://www.resonances-lyriques.org/fr/chronique-detail/chroniques-musique/1487-festival-sibelius-swedish-radio-symphony-orchestra-sibelius-hall-sibelius.cfm
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