Teatro alla Scala de Milan « Simon Boccanegra » intrigue complexe, dans un décor minimaliste

Simon Boccanegra, opéra  de Giuseppe Verdi est réputé pour son intrigue complexe et son histoire tumultueuse de composition. Situé dans le contexte de Gênes du XIVe siècle, l’opéra s’ouvre sur un prologue qui dévoile rapidement une histoire d’amour, de trahison et d’intrigue politique. Simone Boccanegra, de retour dans sa ville natale, apprend la tragique nouvelle de la mort de sa bien-aimée Maria, suite à la disparition de leur fille, également prénommée Maria. En quelques instants, il se retrouve propulsé dans la position de Doge, chef de l’État, dans un tourbillon d’événements.

Vingt ans s’écoulent avant le premier acte, au cours duquel la fille de Boccanegra vit sous une fausse identité, ignorant sa véritable filiation. Les subtilités narratives s’approfondissent à mesure que Boccanegra navigue dans les complexités des luttes de pouvoir entre les patriciens et les plébéiens de Gênes. Sa quête incessante de paix et de réconciliation au milieu de troubles politiques façonne le destin des personnages centraux de l’opéra. La relation tendue de Boccanegra avec Jacopo Fiesco, le père de Maria et un éminent noble, incarne les tensions entre l’aristocratie et le peuple. De même, les aventures amoureuses impliquant le prétendant de la jeune Maria, Gabriele Adorno, reflètent l’interaction de l’amour et de la loyauté sur fond de machinations politiques.

Après son premier échec au Teatro La Fenice de Venise en 1857, Verdi, profondément déçu, reste catégorique dans sa résolution de l’abandonner complètement – ​​selon ses propres termes, l’opéra était « triste et monotone », son caractère sombre n’étant qu’occasionnellement perturbé par quelques instants lyriques. L’insistance inébranlable de Giulio Ricordi à reconsidérer la partition a conduit à une version révisée créée à la Scala de Milan en 1881. Malgré le succès de la version milanaise, son chemin n’a pas été facile et ce n’est que récemment qu’elle a établi sa place dans le répertoire.

Dans sa nouvelle production pour La Scala, le réalisateur Daniele Abbado a opté pour une lecture minimaliste, dans des décors gris et sombres, avec de grandes parois, un escalier monumental quelques voiliers fort bien réussis, un arbre pour la scène du jardin du deuxième acte. L’éclairage d’Alessandro Carletti joue notamment un rôle central en modifiant rapidement l’ambiance des scènes, en utilisant des lumières obliques aux teintes subtiles pour évoquer des images comme le reflet de la lune sur la mer. Daniele Abbado chorégraphie méticuleusement des scènes de foule, avec le chœur et les figurants se déplaçant avec fluidité au milieu du chaos et de l’excitation, y compris plusieurs révoltes populaires. Si les séquences de combat sont particulièrement efficaces, la direction d’acteurs manque de détails, laissant souvent les chanteurs le plus souvent les bras au ciel ou la main sur le cœur. Néanmoins, elle reste discrète et esthétique, permettant ainsi de se concentrer entièrement sur la musique, car la musique de Simon Boccanegra est très belle.

© brescia-e-amisano–teatro-alla-scala

Simon Boccanegra fait la part belle au baryton et à la basse des airs et des duos splendides, surtout dans la grande scène de la malédiction, reléguant ainsi le ténor et la soprano au second plan. Encore une preuve de l’implication de Verdi dans l’histoire politique de l’Italie et son opéra résume parfaitement ses convictions et ses espoirs de paix et d’unité nationale.

Dans la fosse de la Scala, Lorenzo Viotti, dirigeant la première fois cette œuvre complexe de Verdi, met en valeur le drame, et instaure dès le prélude une atmosphère sombre et mystérieuse, avec des phrases entrecoupées de silences, de couleurs romantiques et lyriques, qui alternent avec des pages électrisantes et entraînantes, maintenant la tension dramatique du début jusqu’à la fin. Il met constamment en valeur l’intensité de l’exceptionnel Orchestre de la Scala, qui était particulièrement brillant ce soir.

Lorenzo Viotti est particulièrement attentif aux chanteurs, leur donnant toutes les entrées et chantant toute l’œuvre avec eux. Quelle magnifique prestation pour un si jeune chef !!! D’ailleurs, sa direction est pour beaucoup dans le succès du spectacle.

© brescia-e-amisano–teatro-alla-scala

Le plateau vocal offre également de très beaux moments. Dans le rôle-titre, le baryton italien né à Parme, Luca Salsi incarne un doge de Gênes, d’une grande humanité, plutôt qu’autoritaire. Il fait preuve d’un phrasé exemplaire, avec un timbre riche et velouté, capturant sa grande affection pour sa fille, et même son empathie envers des adversaires. Son air de la salle du Conseil reste mémorable, et il a accordé durant l’opéra de Verdi, une grande importance aux pianissimi, transmettant efficacement le pathétique et l’émotion. De très moments d’intense émotion.

Anita Harting souffrante, a été remplacée par Irina Lungu qui très émue, incarne une Amélia noble, touchante et résolue, très attachée à son père.

Le ténor Matteo Lippi confère élan et passion à Gabriele Adorno, avec un timbre corsé et chaud. Il possède des aigus faciles et souples.

Le point faible de ce soir est la basse Ain Anger dans le rôle de Fiesco. Il possède une basse puissante dans le registre grave, mes ses aigus sont trop serrés et rugueux

Roberto de Candia est un Paolo perfide, malin et rusé.

Comme toujours, le chœur de la Scala excelle dans un répertoire qui fait partie de son ADN.

Encore une fois, Verdi nous a éblouis par sa musique où brille le patriotisme !!!

Marie-Thérèse Werling

24 février 2024

Chef d’Orchestre : Lorenzo Viotti,

Metteur en scène : Daniele Abbado

La distribution :

Paolo Albiani : Roberto De Candia,

Pietro : Andrea Pellegrini,

Simone Boccanegra : Luca Salsi

Fiesco : Ain Anger

Gabriele Adorno : Matteo Lippi,

Maria/Amelia : Irina Lungu

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