Fedora à La Scala de Milan

Quel bonheur de retrouver La Scala de Milan envahie par un flot de visiteurs impatients de succomber au charme de Fedora. Dominique Meyer nous confiait avec un beau sourire que la fréquentation de la très vénérable institution milanaise est en hausse et que les difficultés de la période covid semblent oubliées…
On attendait donc beaucoup du retour sur la scène de La Scala de cet ouvrage d’Umberto Giordano qui fut créé à Milan le 17 novembre 1898 avec Caruso dans le rôle du Comte Loris Ipanov.

 

                                                                                                                                                                                       

Le parcours géographique de la princesse Fedora constitue un must « touristique » dont le tracé n’a pas échappé à l’œil de Mario Martone qui transpose le thème dans un passé récent. Le loft de Saint-Pétersbourg qui voit expirer Vladimir est donc doté d’un bel écran télé et de tout le confort moderne. La demeure parisienne du deuxième acte affiche des lignes élégantes sous des frondaisons denses et romantiques, puis le troisième acte qui se déroule dans les alpes suisses met en exergue les remarquables qualités de cyclistes de Georges Petean (De Siriex) et surtout de Serena Gamberoni (Olga) qui semble s’amuser comme une folle en virevoltant sur l’immense plateau du théâtre….Je ne sais pas trop ce que ces déambulations et transpositions apportent au drame et à la pièce de Sardou mais elles ne choquent jamais le regard du spectateur qui se laisse volontiers, et avec un certain amusement, prendre au petit jeu du metteur en scène.

 

                                                                                                                                                                                         

Musicalement Marco Armiliato s’empare de la partition et esquisse avec une jubilation saillante tous les rythmes dansants, valse, polonaise, galop, bien suivi par les pupitres ductiles de l’orchestre de La Scala. Les amples respirations suivent pour lancer « Amor ti vieta » ou pour imprimer à l’interlude un pathos qui a fait frémir l’assistance.

 

Vocalement l’ouvrage requiert de vraies pointures et ne peut se contenter de voix de caractère égarées dans ce type de répertoire. Fabio Sartori campe un Loris tout à fait crédible, le timbre est agréable, la ligne de chant stable et les aigus conquérants. Il ne manque à ce compte Ipanov qu’un soupçon de raffinement dans le maintien et de modernité dans la diction, (quelques sanglots auraient pu être évités) pour séduire sans aucune réserve…Sonya Yonchéva est toujours aussi belle en scène et son métier s’est avéré précieux lors de ces représentations scaligères. La voix accuse en effet initialement une certaine lassitude et semble soudainement pauvre en harmoniques, dépourvue d’éclat et de brillance… Mais petit à petit la soprano bulgare rétablit quelque peu l’équilibre et sauve sa prestation en expirant de fort belle manière dans les bras de son amoureux.

 

 

   

Les seconds rôles sont superbement tenus, notamment  par la délicieuse et pimpante Serena Gamberoni (Olga) et George Petean toujours en situation dans l’incarnation de De Siriex.

 

 

Reste que cette Fedora demeure un ouvrage fort compliqué à monter et à distribuer. L’intrigue est invraisemblable, et ne soutient bien évidemment pas la comparaison avec Tosca, la partition recèle quelques pépites mais reste bien en deçà d’André Chénier qui demeure le chef d’œuvre d’Umberto Giordano. La recherche des chemins de l’émotion dans ce type d’ouvrage est donc un exercice de haute voltige que les bicyclettes des protagonistes n’ont pas réussi à vraiment emprunter même en parcourant les alpes suisses….

Yves Courmes.

27 octobre 2022
Crédits Photos Brescia e Amisano
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