LE PARSIFAL À LUNETTES DE BAYREUTH — LE METTEUR EN SCÈNE JAY SCHEIB ET LA RÉALITÉ AUGMENTÉE (AR)

À propos du metteur en scène Jay Scheib

 

 

Photo de Jay Scheib © Helen Duras

 

 

Jay Scheib est né en 1969 à Shenandoah, Iowa. Après des études de littérature comparée, de beaux-arts, de vidéo et de performance, il a étudié la mise en scène à la School of the Arts de l’université Columbia à New York. Avec la troupe Jay Scheib & Co. basée à New York, il a commencé à développer un théâtre contemporain dont l’esthétique scénique est basée sur des performances live riches en improvisations. Scheib et son groupe mettent en scène aussi bien des classiques — entre autres Médée, Fidelio, Elektra d’après Euripide, Il Ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi, qui fut joué sous le titre Odyssee au Staatstheater Darmstadt en Allemagne, No hay caminos, hay que caminar de Luigi Nono, Platonov or the Disinherited d’après Tchekhov — que des pièces originales et nouvellement créées comme Simuated Cities / Simulated Systems ou le spectacle The Silence.Jay Scheib est internationalement connu pour ses œuvres défiant les codes du genre. D’une physicalité audacieuse, ses productions intègrent des technologies nouvelles utilisées dans des spectacles en direct. Les productions récentes de Jay Scheib comprennent l’actuel Parsifal au Bayreuther Festspiele, et l’opéra de Tod Machover inspiré de Philip K Dick, Valis, dont la première a eu lieu au Massachusetts Institute of Technology à l’occasion de l’ouverture du nouveau musée du MIT (Institut de technologie du Massachusetts). À Bayreuth, il avait déjà mis en scène Sei Siegfried, dans le cadre de Der Ring des Nibelungen – Diskurs Ring 20.21, pour laquelle il avait utilisé la technique de la réalité virtuelle (Virtual Reality ou VR).

Citons encore, pour ce qui concerne ses mises en scène d’opéras, un nouvel opéra basé sur le film d’Ingmar Bergman Persona, créé au National Sawdust à New York, suivi de représentations au Isabella Stuart Gardner Museum à Boston et en 2017 avec le LA Opera au RedCat. Le récent mixage des Surrogate Cities de Heiner Goebbels et du Götterdämmerung de Richard Wagner a été présenté à l’opéra de Wuppertal en Allemagne. Parmi les autres œuvres récentes, on compte aussi l’opéra en première mondiale du compositeur israélien Na’ama Zisser, Mamzer/Bastard, au Royal Opera House de Londres/Hackney Empire. La mise en scène par Scheib de l’opéra Powder her Face de Thomas Adès a fait partie de la dernière saison du New York City Opera à la Brooklyn Academy of Music (BAM). Powder her Face a ensuite été présenté au Festival d’Opéra de Québec au Canada. Il mit également en scène Fidelio de Beethoven au Saarländisches Staatstheater.

Nommé meilleur metteur en scène de théâtre new-yorkais par Time Out New York en 2009, et désigné par l’American Theater Magazine comme l’un des 25 artistes de théâtre qui façonneront les 25 prochaines années du théâtre américain, Scheib est lauréat du MIT Edgerton Award, du Richard Sherwood Award, d’une bourse de la National Endowment for the Arts/TCG, d’un OBIE Award pour la meilleure mise en scène. Il est professeur de musique et d’art théâtral au Massachusetts Institute of Technology, où il enseigne les disciplines suivantes dans le cadre du programme d’art théâtral : Motion Theater, Live Cinema Performance, Directing, Performance Media, et Performance Scenography.

© Bayreuther Festspiele

 

 

Augmented Reality — La réalité augmentée et ce qu’en dit Jay Scheib

La police criminelle l’utilise parfois pour reconstituer et analyser les lieux et la scène d’un crime, et y déplacer des objets virtuels. Elle a des applications dans de plus en plus de domaines : les jeux vidéo, l’éducation par le jeu, les chasses au trésor virtuelles, le cinéma, la télévision (post-production, studios virtuels, retransmissions sportives…), le tourisme, les industries (conception, design, maintenance, assemblage, pilotage, robotique et télérobotique, implantation, étude d’impact, etc.) ou le champ médical. Aujourd’hui l’opéra.

La mise en scène de l’Américain Jay Scheib recourt à la technique de la réalité augmentée (Augmented Reality ou AR). Voici ce qu’on en apprend sur le site des Bayreuther Festspiele :

” “AR” est l’abréviation de “Augmented Reality” et signifie “réalité augmentée”. L’AR fait partie des technologies immersives et permet ainsi de s’immerger dans de nouveaux mondes virtuels. La réalité augmentée consiste à superposer des images numériques à notre environnement et à élargir l’espace scénique réel. On suit la mise en scène sur la scène, tandis qu’en même temps, tout l’espace devant et à côté de la scène est élargi et joué numériquement. Les lunettes transparentes permettent de voir la scène même lorsqu’ aucune image numérique n’est visible. La position dans l’espace est déterminée au moyen de caméras, de sorte que les images virtuelles peuvent être affichées avec précision, par exemple sur le portail de la scène. Cela permet d’explorer toute la salle en bougeant la tête. ”

Dans une interview réalisée par la dramaturge Marlene Schleicher et publiée dans le programme, —trilingue s’il-vous-plaît !, en anglais, allemand et français, — de la nouvelle production de Parsifal, le metteur en scène nous explique son utilisation de la réalité augmentée : la réalité augmentée complète le monde analogique par des composants numériques grâce à des lunettes perméables qui nous font voir un monde élargi et augmenté. Les lunettes AR permettent notamment d’agrandir la scène, d’en dépasser les bords. Son objectif de festival scénique sacré consiste à ouvrir des portes aux mondes particuliers et extraordinaires que Wagner a inventés. Jay Scheib dit s’être surtout penché sur le monde intérieur des personnages, sur la vie onirique et le vécu de Parsifal et Kundry. Il tente de “créer une sorte de cosmos étrange qui correspond aux situations sur scène” dans des animations en trois dimensions. Des objets ou des personnages qui sont sur scène peuvent être amenés dans la salle parmi les spectateurs sous forme d’objets ou de personnages numérisés : une pierre virtuelle volante peut être agrandie et venir virtuellement exploser dans la salle, une flèche virtuelle peut se diriger directement vers le public, un frêne virtuel issu de la mythologie nordique peut être suspendu au-dessus du public, un arbre virtuel peut produire des métaux, une lance ou une épée par exemple, un avatar, un fantôme de fille-fleur vient dans la salle, tout près des visages des spectateurs… Le but recherché n’est pas de produire une compréhension rationnelle mais de faire vivre une expérience théâtrale.

© Joshua Higgason

 

Pour Jay Scheib, ” Bayreuth est l’incarnation d’une tradition dans laquelle les mêmes œuvres sont constamment réinventées. ” Il s’inscrit ainsi dans la ligne du Werkstatt Bayreuth, l’atelier bayreuthois qui conçoit le festival comme un laboratoire qui, au départ de la tradition, permet d’essayer de nouvelles choses dans un environnement inspirant et stimulant.

Et quand une fille-fleur s’approche en flottant du spectateur lunetté AR, ” on a la possibilité de se sentir un peu comme Parsifal : faible comme lui. ”

© Joshua Higgason

 

Réalité augmentée, mode d’emploi. Données techniques des lunettes AR.
(Textes du site des Bayreuther Festspiele traduits de l’allemand)

La mise en scène de Jay Scheib recourt à la technique de la réalité augmentée. Les phénomènes visuels engendrés ne sont accessibles qu’aux porteurs de lunettes spéciales mises à disposition en nombre limité. 330 lunettes de réalité augmentée sont proposées à la location, moyennant un supplément de prix, pour la durée de chaque représentation de Parsifal, elles sont ainsi disponibles pour un bon sixième des spectateurs, la capacité de la salle étant de 1974 places. Précisons qu’elles ne sont pas compatibles avec le port de lunettes de vue, comme l’annonce le site du festival, qui en apporte la justification : ” La surface de projection transparente est intégrée dans les lunettes AR, de sorte que l’image numérique est projetée très près de l’œil, tout en permettant de suivre l’action scénique réelle à distance. Les lunettes AR ne peuvent donc pas être portées avec des lunettes personnelles existantes, l’utilisation de lentilles de contact est par contre recommandée. Sans correction, l’utilisation des lunettes AR n’est malheureusement pas possible en cas de forte myopie avec des valeurs supérieures à -8 dioptrie, ainsi qu’en cas de forte hypermétropie, de forte courbure de la cornée et de forte erreur d’angle ou de strabisme. Les myopies comprises entre -1,0 dioptrie et -8,0 dioptrie (par paliers de 0,5 dioptrie) peuvent être compensées par des lentilles de correction que nous plaçons dans les lunettes AR.”

Il faut aussi prévoir du temps pour l’ajustement individuel des lunettes : ” L’adaptation des lunettes AR peut être effectuée les jours de représentation de Parsifal de 10h à 14h dans le foyer L’adaptation dure environ 5 minutes. Lors de l’adaptation, des branches nasales et, le cas échéant, des lentilles de correction sont mises en place et contrôlées. ” Il s’agit d’être sur place à temps, car l’adaptation doit être terminée avant 14 heures.

À bon voyeur, salut !

Luc-Henri ROGER

Sources compilées des textes : Site internet et programme des Bayreuther Festspiele et le site internet du metteur en scène.

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