FESTIVAL DE MUNICH TRISTAN et ISOLDE, ou un amour étrange !!

 

Dans la mise en scène du Polonais Kryzsztof Warlikowski, on se pose vraiment la question si Tristan et Isolde s’aimaient ?? car l’idée développée par le metteur en scène est le suicide des deux amants, ce qui appauvrit le mythe et cela devient ennuyeux….
Dans sa mise en scène, Warlikowski place tout l’opéra de Wagner dans une grande salle avec, certes, de belles boiseries, un minimum d’accessoires, des chaises et fauteuils en cuir et une longue table pour le dernier acte.
Pendant le prélude, deux figurants (sortes de pantins) en jeans, baskets et blousons et portant un masque pour sans doute cacher leurs émotions exécutent une danse au ralenti de l’amour et de la mort, semblant soutenir l’un l’autre. Elle est faible, il la soutient et la porte puis les silhouettes s’écroulent, et à ce moment, surgissent deux albatros rasant la mer.
Au deuxième acte, Tristan et Isolde ont rendez-vous dans une chambre d’hôtel. Un écran descend sur le devant de la salle pour représenter l’océan, tandis qu’Isolde prépare une dose de LSD, cherchant ainsi à reproduire un paradis artificiel.
Le jeune garçon du premier acte revient au 3e pour s’asseoir sur un divan (clin d’œil à Freud ?) avec Kurwenal comme thérapeute, alternant les places avec le véritable Tristan, déjà blessé.
Autres signes parasites dans cette mise en scène : les « pantins » du prélude reviendront tendre les épées pour le duel, puis doubleront les personnages au dernier acte, au milieu d’une multitude de pantins enfants assis à table avec Tristan au milieu.
Isolde joue avec l’interrupteur au début du 2e acte, puis éteint la lumière en regardant Tristan blessé, avec mépris. Un marin en slip déguisé en Tristan, aux yeux bandés, que Brangäne vient soigner pendant le récit d’Isolde du 1er acte. Quel message voulait faire passer Warlikowski ??? On se le demande encore.
A aucun moment, les amants ne se touchent, créant un évitement permanent. C’est seulement dans la mort qu’ils s’enlacent enfin et Isolde dans son ultime air « Mild und leise » se suicide par empoisonnement.

Heureusement les satisfactions musicales sont très présentes et nombreuses.
Stuart Skelton est un Tristan expérimenté, avec la puissance et l’endurance requises pour ce rôle. Il possède un timbre sublime, avec une émission élégante. Il s’économise au premier acte et même un peu pendant le duo d’amour, on aurait tout même aimé un peu plus d’emportement et de sensualité. Son corps est certes très imposant, mais il arrive à l’utiliser au mieux surtout au 3e acte, démontrant ainsi que Tristan, mortellement blessé, se bat vaillamment avec la douleur. Par contre, la petite bouteille aurait pu être plus discrète lorsqu’il s’en sert entre deux déclarations enflammées….

 

 

©W.Hoesl

 

 

Anja Kampe incarne une Isolde d’un niveau excellent pendant tout le spectacle. Elle excelle dès sa première apparition et possède un art de la déclamation à la fois souple et mordante, avec des aigus extraordinaires. Elle représente cette femme forte et déterminée, surpassant même par moments, Waltraud Meier. Aucune faiblesse ne s’est fait sentir dans son « Liebestod » final, bien au contraire, ce fut presque une berceuse, intense mais tellement sereine. Un moment de pur bonheur !!!

 

 

©W.Hoesl

 

René Pape, dans ses apparitions certes brèves dans le rôle du Roi Marke a toujours ce timbre somptueux de basse wagnérienne, même s’il n’a plus la puissance d’autrefois, ce qui le rend d’autant plus humain, dans la profondeur de la douleur et de la frustration du Roi.

 

 

©W.Hoesl

 

A l’opposé, Jamie Barton incarne une Brängane avec beaucoup d’assurance, mais avec une voix trop criarde.
Une mention particulière pour les seconds rôles, tenus par Sean Michael Plumb avec un voix bien saillante pour Melot, Christian Regier et Liam Bonthrone, respectivement marin et timonier.
La direction musicale est confiée au chef allemand Lothar Koenigs qui a porté l’Orchestre du Bayerische Staatsoper Munich à son sommet de perfection. D’emblée, l’ouverture a sonné d’une troublante profondeur. Quel grand moment d’émotion intense !! L’exécution de l’ouverture du 2e acte est époustouflante, grâce aux cors d’une puissance incroyable, mais tellement juste. Rendons un hommage bien mérité aux musiciens du Bayerische Staatsoper pour leur magnifique interprétation qui ont fait honneur à la musique de Wagner, la rendant à la fois poétique, précise, colorée et puissante quand il le fallait.
Une soirée exceptionnelle vocalement et musicalement en dépit d’une mise en scène qui a appauvrit le mythe de Tristan et Isolde.

Marie-Thérèse Werling

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