Le Voyage d’hiver. Auditorium Rainier III de Monte-Carlo

Retrouvez l’article d’André Peyrègne partageant ce merveilleux moment musical donné le 9 février 2022 à Monte-Carlo

Un inoubliable hiver

Sur la Côte d’Azur, le printemps s’est installé. Le mimosa est en fleur, les citronniers ploient
sous le poids des fruits. En se rendant à Monaco, on voit la mer scintiller sous une lumière qui
annonce la saison nouvelle. C’est en ces circonstances que nous sommes allés entendre le…
Voyage d’hiver.
Ce cycle de Lieder de Schubert, qui est parmi les plus bouleversants de l’histoire de la
musique, était chanté par l’un de ses plus grands interprètes, Matthias Goerne.
On perçoit au long de cette œuvre toute la mélancolie de Schubert – cet homme mort à 31 ans
qui, toute sa vie, a recherché l’amour et a rencontré la mort.
Vingt quatre Lieder s’enchaînent, allant de la sublime douceur de « Gute Nacht » (« Bonne
nuit ») à la totale douleur du « Leiermann » (« Joueur de vielle »).
Matthias Goerne, qui chante ce cycle depuis deux décennies, qui l’a enregistré plusieurs fois, le
connaît par cœur, dans ses moindres inflexions. Il est émouvant à entendre et fascinant à voir.
Sa voix de velours suit les méandres de la musique, passe en un instant du murmure à l’éclat,
nous emporte dans une sorte de rêve. Variant ses intonations, il donne vie à de multiples
personnages, comme si on était dans un opéra.
Tout en chantant, il semble sous l’emprise d’un envoûtement. Il faut voir ce bon géant dessiner
de sa main la courbe de la musique, se hisser sur la pointe des pieds pour accompagner une
note aiguë, s’accouder sur la caisse du piano dans un mouvement de recueillement. Prenant
en lui toute la douleur contenue dans ses Lieder, on le voit tituber comme un fauve blessé. Il
nous joue la mort de Boris sur les harmonies de Schubert ! Fascinant spectacle !
Au piano, Markus Hinterhäuser, est un accompagnateur parfait. Il a une sonorité qu’on
pourrait qualifier de « son Schubert ». Il suit le chanteur dans toutes ses inflexions, ses
rubatos, ses colères. Voilà de vrais compagnons de voyage.
Quel bel hiver nous avons passé !

André Peyrègne (Forum opéra)

(Matthias Goerne et Markus Hinterhauser, Photo Daniel Dittus)

 

Document attaché : le Voyage d’hiver – Monte-Carlo – Critique _ Forum Opéra-1
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