PARSIFAL Gran Teatre del Liceu de Barcelone

 

©A Bofill

 

 

 

Après douze ans d’absence, la dernière œuvre de Richard Wagner revient  au Gran Teatre del Liceu de Barcelone qui entretient depuis toujours un rapport privilégié avec les opéras de Richard Wagner et notamment avec son testament musical Parsifal. C’est le 1er janvier 1914 que cette œuvre de Richard Wagner tombe dans le domaine public. L’attente était telle que des opéras programment l’opéra dès décembre 1913 à minuit. Au Liceu de Barcelone, l’œuvre débute même à 22h30, comptant l’heure de décalage horaire avec Bayreuth.
C’est au scénographe allemand Claus Guth qu’est confiée la mise en scène, qui ne s’intéresse que faiblement à l’aspect mystico-religieux du propos wagnérien.
C’est plutôt la question du devenir d’une humanité souffrante, sans cesse ballotée par les vicissitudes de l’Histoire qui semble le préoccuper. Mais sa vision dramaturgique est totalement fascinante.
Claus Guth situe l’action entre la fin de la Première Guerre Mondiale dans l’acte 1 jusqu’à l’orée de la seconde Guerre Mondiale dans l’acte 3, les « Années Folles » illustrant l’acte 2.
Le Château de Montsalvat se situe dans une sorte d’hôpital psychiatrique où les moines-chevaliers sont remplacés par des soldats soit blessés ou rendus déments par les atrocités de la guerre. Le monumental dispositif scénique, fort judicieux imaginé par Christian Schmidt, reste le même pendant les trois actes, mais disposé sur un plateau tournant, il propose des tableaux différents, venant casser le statisme auquel on associe souvent Parsifal. Là, tout est en mouvement, devenant presque « chorégraphique ». La projection de vidéos, souvent utilisée chez Guth est très expressive, surtout la scène de « l’enchantement du Vendredi Saint » qui montre les images d’un conflit armé avec son cortège de destructions et de désolation. Toute sa mise en scène est mise en valeur par les éclairages judicieux de Jürgen Hoffmann.

 

 

©A Bofill

 

L’arrivée de Parsifal redonne de l’espoir à tous ces soldats presque moribonds. Klingsor, quant à lui exhorte Kundry, modeste infirmière, à séduire Parsifal, après l’avoir invité à une soirée (année folle) fort arrosée. Malgré sa transformation en star de cinéma, elle ne parvient cependant pas à le détourner du droit chemin.
De retour après un long pèlerinage, Parsifal accueilli par Gurnemanz, assiste à la mort de Titurel, sauve Amfortas, et endosse l’uniforme nazi (on ne comprend pas très bien pourquoi, car Parsifal est le sauveur) tandis que Kundry quitte les lieux, valise à la main (alors qu’en réalité elle meurt). Voici pour la mise en scène.
Les musiciens de l’Orchestre du Gran Teater de Liceu, sous la direction très avisée de Josep Pons, ont offert une interprétation d’une grande transparence, presque légère et spirituelle, surtout pour une œuvre aussi complexe. Les chœurs du Liceu, renforcés avec la chorale Carmina et celle d’enfants, dirigés par Pablo Assante ont été à la hauteur de l’attente, mais sans grands miracles,  pour cette œuvre colossale. On peut qualifier ce Parsifal par : une interprétation « correcte ».
Quant au plateau vocal, il est très homogène et nous a réservé de belles surprises. A commencer par Nikolai Schukoff qui a campé un Parsifal d’une projection et d’une maîtrise technique étonnantes.  Sa voix est solide, ses aigus stables, et son jeu de scène dramatique. Il a interprété le héros avec beaucoup de conviction, une belle ardeur et une grande prouesse technique. A ses côtés, Elena Pankratova est une Kundry d’une grande et forte sonorité, même si sa silhouette n’est pas idéale. Cependant, sa puissance vocale et sa force expressive la rendent particulièrement crédible et adaptée aux débordements wagnériens.  René Pape est toujours une basse aussi remarquable et sa voix semble être toujours intacte, avec un style élégant et un phrasé très expressif. Il incarne un Gurnemanz apparemment sous l’allure d’un prêtre, un livre religieux (peut-être la Bible) à la main. La déception vient de Mathias Goerne dans le rôle d’Amfortas, pas convaincant vocalement, luttant parfois contre la musique, avec une émission très gutturale, s’attaquant à une tâche trop dure pour lui. En bref, il n’est pas à sa place dans Wagner. L’autre déception est celle de Paata Burchuladze dans le rôle de Titurel, dont la voix n’est plus imposante et très fatiguée. Programmer Burchuladze dans cette distribution n’était pas une bonne idée. Par contre, dans le rôle du magicien Klingsor, Evgeny Nikitin, fait merveille. Sa voix est imposante avec une belle projection et une couleur incisive. Scéniquement, il est aussi imposant que vocalement.

 

©A Bofill

 

 

Somme toute, ce Parsifal était un bon spectacle, dans une mise en scène judicieuse, malgré quelques maladresses ou non-sens : Kundry partant avec sa valise, et Parsifal revêtant l’uniforme nazi ?????.
Le public a applaudi avec énergie, mais sans grand enthousiasme tout de même.

Marie-Thérèse Werling
25/05/2023

 

©A Bofill
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