Tristan und Isolde, opéra de Richard Wagner, au New National Theatre Tokyo

Situé dans un quartier de hauts immeubles modernes gris et sans grand charme, l’entrée dans la salle du New National Theatre Tokyo ravit en revanche l’œil, vaste auditorium en bois sombre composé d’un parterre et de trois niveaux de balcons. L’acoustique y est d’une magnifique qualité, à la fois très généreuse et ronde, très bien définie également pour l’ensemble des instruments. Entre autres ancien directeur musical de La Monnaie de Bruxelles et précédent chef principal de l’Opéra de Lyon, Kazushi Ono, actuel directeur musical du Tokyo Metropolitan Symphony Orchestra, dirige sa formation de main de maître. Dès l’ouverture, la concentration est maximale et les musiciens produisent les plus infimes nuances, d’une délicatesse parfois inouïe. Les climax de la partition sont également présents, mais en évitant les déferlement de décibels, ce qui maintient l’agréable architecture musicale de la représentation. On reste en tout cas admiratif à l’écoute des instrumentistes, violoncelle et violon soli en tête, ainsi que l’ensemble des pupitres de bois.

@ Rikimaru Hotta

La distribution a connu deux changements majeurs par rapport à l’édition du programme de saison, puisqu’ils concernent les deux rôles-titres : Zoltán Nyári prend la place de Torsten Kerl enTristan et Liene Kinča substitue Eva-Maria Westbroek initialement prévue en Isolde. Liene Kinča est une très bonne surprise, soprano de format wagnérien, surtout dans son registre supérieur, alors que la partie la plus grave sonne avec plus de discrétion, sauf lorsqu’elle poitrine certaines notes. Elle fait preuve d’une belle endurance, parvenant avec de confortables réserves de puissance au Liebestod, et mettant précédemment beaucoup d’intensité au texte, voire de l’incandescence à plusieurs moments, quitte à fleurter avec le cri.

L’enthousiasme est moindre concernant Zoltán Nyári, ténor de format trop modeste pour pouvoir assurer un rôle aussi lourd que Tristan. On cherche en vain le moindre métal dans la partie aiguë qui pourrait faire impression, tandis que le grave est correctement exprimé, sans plus et sans séduction particulière non plus dans le timbre. Il parvient tout de même à tenir son rôle, plutôt vaillant physiquement au troisième acte pendant l’attente de l’aimée et même émouvant à l’évocation de la mort de son père, sur la longue plainte mélancolique du cor anglais.

©Rikimaru Hotta

Le reste de la distribution vocale est de très bonne tenue, à commencer par la Brangäne de Mihoko Fujimura, mezzo-soprano wagnérienne reconnue qui a fréquenté de nombreuses saisons le Festival de Bayreuth. La voix est belle et homogène sur toute la tessiture, d’une projection très efficace. En Kurwenal, Egils Silins fait valoir un robuste baryton, instrument ferme, tout comme celui de Wilhelm Schwinghammer, basse profonde qui correspond idéalement à l’autorité du Roi Marke, dont le vibrato trahit la blessure psychologique infligée involontairement par son ami Tristan.

©Rikimaru Hotta

Le spectacle réglé par David McVicar joue sur un dépouillement très poussé, à vrai dire dans la droite ligne d’une esthétique japonaise. Au premier acte, l’ossature d’une coque de bateau détruit nous laisse plutôt à terre que voyager en mer. Une grande lune se lève au-dessus d’une ligne d’horizon dans de tons bleus.

©Rikimaru Hotta

L’astre se transforme vite en de belles couleurs rouges comme à signifier les sentiments amoureux qui se développent entre les protagonistes. Les décors du deuxième acte sont les plus monumentaux, soit un pylône érigé sur un quai et des cercles métalliques qui l’entourent à mi-hauteur. On reste dans cette ambiance nocturne au dernier acte avec l’astre rougeoyant comme un soleil, mais qui se lève dans la nuit noire. Le décor y est minéral, Kurwenal s’asseyant sur une sorte de cairn. A la mort de Tristan, Isolde en robe rouge s’éloigne vers le fond de scène, comme pour rejoindre l’astre qui brille de la même couleur et qui disparaît dans les profondeurs .

Irma Foletti

29 mars 2024

Direction musicale  : Kazushi ONO

Mise en scène  : David McVICAR

Décors et costumes : Robert JONES

Lumières : Paule CONSTABLE

Chorégraphie : Andrew GEORGE

Tristan : Zoltán NYÁRI

König Marke : Wilhelm SCHWINGHAMMER

Isolde : Liene KINČA

Kurwenal : Egils SILINS

Melot : AKITANI Naoyuki

Brangäne : FUJIMURA Mihoko

Ein Hirt : AOCHI Hideyuki

Ein Steuermann : KOMADA Toshiaki

Stimme eines jungen Seemanns : MURAKAMI Kota

Chœurs : New National Theatre Chorus

Orchestre : Tokyo Metropolitan Symphony Orchestra

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